Peut-on continuer à faire de la politique comme si de rien n'était, comme si tout n'était pas en train de s'effondrer autour de nous ? Cette question peut être formulée de la manière suivante : y a-t-il encore un monde commun à partager ? Mais lorsque ces repères se sont effacés, donc lorsque ce genre d’orientations fait défaut, L’Europe constitue aujourd’hui, davantage qu’une terre d’élection promise à un bel équilibre qui en ferait une destination privilégiée, une zone singulièrement critique qu’une politique du commun terrestre appelle néanmoins à investir, en ne sachant pas exactement comment y parvenir et sans avoir la garantie d’y arriver. Un petit livre par le nombre de pages et le format, mais dense, riche, grand par le contenu. Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe des sciences est une figure majeure du monde intellectuel Français et international. Où Atterrir ? Où atterrir ? C’est à ce genre de performance que s’emploient les membres d’un groupe de jazz : par excellence, ils font du commun sous l’horizon du provisoire. On serait tenté de rétorquer, pour tordre le bâton dans l’autre sens, que l’humanité ne se pose que des problèmes qu’elle ne peut pas résoudre : mais ce n’est pas non plus satisfaisant. Répondre à un appel, ce n’est pas céder à une pression. Être rationnel, consiste au contraire à se livrer à un travail de déchiffrement, de défrichage et d’arpentage au terme duquel, censément, cette force des choses se présente comme étant maîtrisable, à la fois ordonnée mentalement et à la main : mais c’est une illusion de croire que cette opération puisse s’effectuer sur son dos, sans son intervention qui ignore la distinction du corporel et du mental, qu’elle connecte réciproquement entre eux à travers des agencements qui sont à la fois et d’emblée réels et idéels, spontanés et réfléchis, pratiques et théoriques. Latour propose, pour se sortir de cette impasse, de tirer de nouvelles lignes, ou comme il les appelle « vecteurs ». Ces choix sont à la fois des choix techniques, qui nécessitent que nous répondions à la question de savoir ce que nous pouvons, ce qu’il est à notre mesure de faire dans des conditions données, et des choix politiques, qui nécessitent que nous répondions à celle de savoir ce que nous voulons : s’orienter « vers le Terrestre », répondre à la question « Que faire ? Il n’y a que des questions de terrain de vie avec ou contre d’autres terrestres qui ont les mêmes enjeux. « Il est peut-être temps de se passer tout à fait du mot écologie, sauf pour désigner un domaine scientifique. Comment s'orienter en politique Cet essai voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés sans toujours voir ce qui les unit - ni, par conséquent, l'immense énergie politique qu'on pourrait tirer de leur rapprochement. Cet inachèvement est consubstantiel à la démarche de Latour et ne constitue pas pour elle un accident de parcours qu’un supplément d’attention, d’explication, aurait permis d’éviter. Le modèle classique, qui a cessé de fonctionner correctement, avait pour vecteur celui qui active la tension entre progrès et tradition, c’est-à-dire des « attitudes », attirances, inclinations ou attachements, dispositifs mentaux mi-rationnels mi-affectifs, relevant à la fois de l’impulsion et du calcul, déterminés subjectivement pour l’essentiel. Si ce coup de grâce se produit, si les trompettes de Jéricho retentissent, on (« nous ») ne l’aura pas volé. En avançant ce concept, Mannheim pouvait paraître rejouer à sa façon l’une des thèses fondamentales de la vulgate marxiste, celle du primat de la pratique sur la théorie. Elle est par excellence un problème qui ne comporte pas d’emblée l’annonce ou l’esquisse de sa solution. En en proposant à la lumière de ce qui s’est passé ensuite une interprétation rétrospective, on a cru voir dans ces demandes une annonce anticipée du grand mouvement politique de la Révolution française. Vous ne savez pas où elle s’arrête ? Pour avancer, ne serait-ce qu’un peu, sur ce point, il faut réexaminer ce qu’on entend par « force des choses », si toutefois cette expression convient pour caractériser ce qui donnerait contenu au nouveau matérialisme. Comment s’orienter en politique . Les ravages engendrés par l’exploitation abusive des ressources naturelles ne datent pas d’aujourd’hui, ni même d’hier : le processus enclenché il y a plusieurs siècles, – peut-être même a-t-il commencé au néolithique –, a été accéléré lorsqu’a été effectuée la glorieuse mainmise sur le « Nouveau monde » et ses populations réputées arriérées. La logique des grandeurs négatives a cours universellement. Un terrain de vie approprié aux besoins de ses occupants n’est pas non plus naturellement délimité par des bornes immuables à l’intérieur desquelles sa constitution serait achevée dans des conditions qui garantissent le maintien de ses équilibres. L’adjectif « politique » devrait suffire dorénavant à les désigner une fois élargi le sens de la. Alors, comment voir là une chance, et non l’annonce de la grande catastrophe, à la fois inévitable et irréversible, qui, à défaut d’être la fin de toutes choses, mettrait fin à l’histoire ? En parlant de cette façon, en conférant au troisième attracteur grâce à l’emploi du nom propre une identité définie, on lui prête une dimension de transcendance du seul fait de lui attribuer le caractère d’un Grand Être ou d’un Grand Sujet qui existe à part, comme s’il menait une vie personnelle mue par des intérêts spécifiques qu’il n’est pas permis d’ignorer : quand on les néglige, il se charge lui-même de les rappeler de façon insistante. 17h-19h . L’homme en général ? C’est un message de ce genre, pas très clair en vérité, – il serait raisonnable de renoncer à le déchiffrer entièrement -, qu’adresse le troisième attracteur dans un langage qui se passe de mots et de codes, ce qui rend son écoute fort malaisée. Elle revient à dire : laissez (- nous) faire, et tout s’arrangera, pas pour tout le monde sans doute, mais peu importe ! : « Aramis est un métro automatique, que l'on a failli construire au Sud de Paris. À quoi, dans le sillage du projet d’« anthropologie symétrique » lancé par Latour, on rétorquera : mais ce naufrage, êtes-vous sûr de n’y avoir aucune part ? L’homme en général ? Et même, s’il y a crise à cet égard, c’est parce que, outre qu’on ne sait pas comment y répondre, la réalité même de la demande peut sembler douteuse. 75006 Paris . L’Europe est mondiale à sa façon, comme tous les terrestres. Mais que se passe-t-il lorsque l’espace, comme s’il était déboussolé, se dérobe à cette entreprise de centration et rejette toutes les positions susceptibles d’y être occupées à la périphérie ? Il évoque la nécessité de se rappeler, donc de s’abstenir de refouler la mémoire d’un passé devenu trop lourd à porter. C’est la prise en compte de cet exemple historique qui l’amène pour finir à soulever, au présent, la question : « Serions-nous moins capables que nos prédécesseurs de définir nos intérêts, nos revendications, nos doléances ? Le grand sujet pensant que serait l’humanité en personne ? Dans un tel contexte, agir c’est adopter un profil singulier à l’intérieur d’un espace où, de toutes façons, rien ne s’offre à être vu de face et où s’orienter consiste toujours à prendre un détour, à s’aventurer à l’essai, au risque de s’égarer, ce qui n’est guère rassurant32. Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. 160 pages. Latour réfléchit cette situation de double bind en avançant qu’« il nous faut être à la fois matérialistes et rationnels »37. Les deux derniers schémas dessinés par Latour font apparaître le dispositif triangulaire qui a commencé à s’imposer lorsque le troisième attracteur ou acteur, le Terrestre, est venu s’inviter en trouble-fête au tête à tête des anciens et des modernes où il était relativement facile de reconnaître les siens. Livre dérangeant, qui secoue les idées, impertinent mais combien fertile en propositions. C’est à cet appel que répond à sa façon la démarche de Latour. Pourquoi cette impasse de l’écologie politique ? » (p. 47) « Si le Terrestre n’est plus le cadre de l’action humaine, c’est qu’il y prend part. Il est professeur émérite à Sciences Po Paris où il a créé il y a plus de dix ans « l’Ecole des arts politiques »… qui résume bien à la fois son enseignement et son projet de chercheur : une approche pluridisciplinaire qui se propose de réarticuler les liens entre les arts, les sciences et la p… En continuant d’utiliser notre site, vous acceptez que nous utilisions les cookies conformément à notre Politique sur les Cookies. Où atterrir — comment s'orienter en politique — Date: octobre 2017 Editeur: La Découverte. Le principal problème auquel l’Europe est confrontée actuellement, et Dieu ou le Diable savent si elles parviendra jamais à le résoudre, est celui des grands déplacements de population, manifestations criantes du fait que le sol a bougé qui, en l’accusant, amplifient ce phénomène au point d’en rendre la réalité incontournable : tout le monde, passagers et résidents, en subit les conséquences à des degrés divers. Être matérialiste revient à reconnaître la puissance de la force des choses contre laquelle il n’y a rien à faire, pour la simple raison quelle occupe toute la place disponible : prendre distance avec elle c’est encore lui obéir, à ceci près qu’elle ne donne aucun ordre susceptible d’être interprété dans un sens ou dans un autre. Mais ce n’est pas tout, car voilà qu’une quatrième voix, à la fois assourdissante et insidieuse, se fait entendre, celle d’un quatrième attracteur, qui entend tirer un maximum de bénéfices du trouble provoqué par l’arrivée intempestive du troisième. Là où le sol se met à bouger, les lignes se tordent, les cloisons se fissurent, les certitudes s’affaiblissent. Des mouvements de population impossibles à retenir et difficilement contrôlables ont renvoyé à la face des pays riches, – des pays où, en réalité, tout le monde n’est pas riche, la notion de richesse n’ayant en fin de compte qu’une valeur statistique, purement théorique car elle fait systématiquement l’impasse sur les cas particuliers –, une image insupportable du mal qu’ils ont fait au reste du monde. Lorsqu’on lit le livre de Bruno Latour, Où atterrir ? Ce nouvel attracteur apparaît dans les deuxième et troisième schémas en tant que « Attracteur 3 » : c’est lui qui est responsable de la brisure de la flèche du temps. », c’est trouver le moyen de satisfaire à cette double exigence. Après tout, avons-nous tant que ça besoin d’Europe ? Il n’est pas une parcelle de monde susceptible d’être isolée de son ensemble, comme si elle était renfermée dans des cloisons protectrices. Ainsi présentée, la force des choses est inséparable du processus qui requalifie en permanence ses éléments dont il transforme la nature en même temps qu’il en modifie la distribution. D’où l’importance de savoir comment s’orienter. Dans une zone critique, aller ne signifie pas forcément aller en un endroit déterminé, en sachant où on va et en ayant les meilleures raisons pour le faire, parce que « ici » ou « là », à défaut de ne plus rien vouloir dire du tout, renvoient à des significations tremblées à force d’avoir été raturées, revues et corrigées, ce qui rend problématique d’en contrôler exactement l’usage : mais cela rend d’autant plus urgent d’essayer de ramener celui-ci dans les limites d’une simple raison, même et surtout si ces limites ont cessé d’être infaillibles, intangibles. Fiche de lecture rédigée par Patrice Obert 29 juin 2020. C’est pourquoi se référer à lui, c’est repolitiser la question de l’orientation en la dégageant de l’obligation de suivre une destination fixée de manière univoque, donc de se diriger dans un sens défini préalablement au mouvement qui tend à l’accomplir. D’où l’importance de savoir comment s’orienter. La politique du Terrestre consiste en la gestion de ce devoir être. Pour entrer en politique, ce qui est tout autre chose que faire de la politique, la première condition est de se défaire de ce genre de préjugé : alors, la politique cesse d’être une opération menée plus ou moins à bon escient, promue de l’extérieur, soumise à des normes idéologiques qui renvoient dos à dos le majeur et le mineur entre lesquels elles installent une frontière impossible à franchir ; elle suppose qu’on devienne de part en part politique à travers une participation au commun qui permet d’être à la fois soi et un autre, au centre et à la périphérie, dedans et dehors, en affrontant les conséquences de ce double bind qui unit en divisant et divise en unissant, à l’écart du confort culturel, de ses fallacieuses promesses et de ses creuses certitudes36. En dernière instance, s’il y a tempête, – et nul ne peut ignorer que nous sommes actuellement dans une période de grande tempête –, ce n’est ni Dieu ni l’homme qui l’ont déchaînée : le monde, à force d’avoir été exploité, s’est réveillé, il est sorti de son silence, il s’est mis à envoyer des signaux d’alarme qu’il n’est plus possible d’étouffer. Où atterrir ? - Bruno LATOUR - Peut-on continuer à faire de la politique comme si de rien n'était, comme si tout n'était pas en train de s'effondrer autour de nous ? Entré dans une zone critique, on est privé de la possibilité de savoir à l’avance où on va, mais cela ne doit pas empêcher d’y aller, ou plutôt, tout simplement, mais c’est aussi très compliqué, d’aller, aller de l’avant en l’absence d’orientations prédéfinies : il ne reste alors qu’à s’orienter, au sens fort du verbe qui exprime non un état de choses mais une action visant à le transformer ; cette action prend place dans un contexte constitué de terrains de vie où ne se trouvent partout que des agents qui s’efforcent de persévérer dans leur être les uns avec et contre les autres.
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